RÔLE
SECONDAIRE APPARU DANS HELLBOY : CONQUEROR WORM,
PROTAGONISTE ÉPISODIQUE ET INSAISISSABLE DES AVENTURES
DU B.P.R.D., LE VIGILANTE A LA PINCE
DE HOMARD ET AUX LUNETTES D'AVIATEUR-PREMIÈRE-GUERRE-MONDIALE
POSSÈDE ENFIN SA SÉRIE PROPRE.
AINSI, FAÇONNÉ ET ANIMÉ
PAR LE CLAVIER A QUATRE MAINS DE MIKE MIGNOLA ET JOHN ARCUDI, RENDU VISIBLE ET DYNAMIQUE PAR LES CRAYONS ET
PINCEAUX ÉLÉGANTS DE TONCI ZONJIC ET DONNÉ COMME TANGIBLE PAR L'INTELLIGENTE
PALETTE DE COULEURS NUMÉRIQUES DE DAVE
STEWART, LE SUPER-HÉROS AUX COLTS 45 EST LE PERSONNAGE
PRINCIPAL DE LA GÉNIALE MINI-SÉRIE THE BURNING HAND. PRINCIPAL DISIONS-NOUS? À VOIR...
Vous êtes écrivain? Scénariste
pour la télévision, le cinéma ou la bande-dessinée? Alors, sûrement, vous avez
du entendre ce conseil avisé et pour autant de base: « si relisant votre
histoire vous vous apercevez qu'un de vos personnages est plus intéressant que
votre héros, alors empressez-vous de réécrire l'histoire ». Voilà qui semble
logique. C'est bien celui qui attire le plus l'attention, par son épaisseur
psychologique, sa richesse émotionnelle ou la force de son désir, qu'il faudra
choisir pour véhiculer la thématique centrale, via son combat et sa révélation
finale, faute de quoi l'intérêt du lecteur sera divisé et sa perception du
sujet affaiblie. C'est celui-là qu'il faudra mettre au cœur du récit, celui-là
dont il faudra approfondir l'humanité dans toutes ses nuances, celui-là qui
affrontera l'adversité la plus redoutable afin d'en être métamorphosé. Et
celui-là sera alors le vecteur qui transmettra un savoir émotionnel et
sémantique nouveaux au lecteur qui, le temps de la narration, s'identifiera à
lui. Relisons, à la lumière de cette raisonnable recommandation, les cinq
épisodes de Lobster Johnson : The Burning Hand.
LA JOURNALISTE
Devons-nous mettre à jour le héros ? Cherchons donc l'adversaire.
Cherchons LE malfaisant de l'histoire. Serait-ce Wald ce méchant principal ? Ce
petit parrain mafieux est par trop ridicule et empoté pour mériter le titre.
Serait-ce alors ce super-vilain à tête de mort et à flamme noire? Celui-ci au
préalable présenté comme invincible, se révèle finalement fort vulnérable et de
fait facilement vaincu au bout du
quatrième épisode, à savoir bien avant la fin. Non, l'adversaire le plus
malveillant et dangereux est bien mr Isog, l'entremetteur, le corrompu qui
présentera The Black Flame au malfrat local. Or, c'est Cindy Tynan qui le
débusque et le capture. Cindy Tynan, fragile journaliste du Herald Tribune qui
de victime passive et protégée par un Lobster Johnson monolithique, se fera
investigatrice pertinente et engagée dans l'action, s'émancipant de son
défenseur masqué et allant même jusqu'à créer la légende de ce dernier, sa
révélation finale étant que le justicier n'est pas si efficace qu'il le croit
et que la force véritable contre le mal est la presse écrite à laquelle elle
appartient. C'est Cindy Tynan qui se transforme, Cindy Tynan qui dénoue
l'intrigue, Cindy Tynan qui, elle seule, mène la barque de bout en bout et
c'est son âpre bataille avec mr Isog qui transporte le thème central: la
plume est plus forte que l'épée - ou, ici, la machine à écrire est plus
puissante que le colt 45. Nous pourrions même aller jusqu'à penser que la
main qui brûle le plus dans cette aventure, c'est bien la sienne, sur les
touches incendiaires de sa machine portative. Mais alors, si c'est Cindy Tynan
du Herald Tribune le personnage principal de la mini-série, Mignola et Arcudi
auraient-ils dû revoir leur copie? Une copie qui nécessairement aurait dû
s'intituler « Cindy Tynan, The Burning hand »? Oui mais voilà, les
deux compères, loin de l'ignorer, semblent assumer totalement cette curieuse
anomalie scénaristique. Explicitement ? Ce serait trop simple. Non, implicitement
plutôt, et entre les cases. Entre deux cases de deux différentes histoires plus
précisément.
LE MOTIF CACHÉ
Cherchons dans les cartons, sortons tous les albums ou comic books des
aventures de Hellboy ou du B.P.R.D. où apparaît le vigilante aux lunettes
oranges et tout de cuir vêtu, ajoutons les one-shots ou mini-séries arborant sa
franchise, compulsons, examinons, comparons, relisons des passages, rapprochons
des vignettes, revenons en arrière, c'est ça, voilà, c'est bien ça, nous les
tenons. Nous tenons deux images dont la similitude ne pouvait que nous
interpeller, d'autant qu'elles proviennent de B.P.R.D.: King of fear
pour la première (planche 3, case 5), et de Lobster Johnson: The Burning
Hand pour la seconde (planche 6, case 1), c'est à dire deux récits dont les
dessinateurs sont différents. Toutes les deux sont de même dimension, de même
format (rectangulaire et prenant toute
la largeur de la page) et, surtout, elles décrivent strictement la même scène
selon le même cadrage: le super héros des années 30 et à la pince bleue assis
sur la banquette arrière d'une voiture - conduite par Kate Corrigan (pour le
dessin brossé par Guy Davis) et par mr Isog (pour l'image dépeinte par Tonci Zonjic). Que Kate
soit une amie et Isog un adversaire ne change rien à l'affaire: le motif, de
toute évidence identique, est reproduit à dessein. Mignola et Arcudi nous le
murmurent sans mot dire: Lobster Johnson ne conduit pas. Lorsque le fil
narratif se déroule, que l'action va de l'avant et que l'intrigue est en
mouvement, leur héros masqué se tient à l'arrière du véhicule narratif et c'est
un autre personnage qui conduit. C'est dit, c'est clair, cela saute aux yeux du
lecteur d'investigation, les deux scénaristes assument donc la surprenante
structure de The Burning Hand qui fait de son protagoniste
traditionnellement principal un personnage relativement secondaire. Mais si
c'est assumé, c'est donc que ce n'est pas une erreur; mais si c'est reconnu,
c'est donc que le procédé les sert. Et en effet. La carrure puissamment
iconique du redresseur de torts implacable et armé, leur permet d'éclairer
magistralement l'intrigue principale, c'est à dire le combat de Cindy Tynan
contre mr Isog, ou, si l'on veut, la lutte du journalisme contre la corruption.
Alors si vous êtes écrivain, scénariste pour la télévision, le cinéma
ou la bande dessinée, sachez qu'il y a un cas qui vous permet de rendre un
personnage plus intéressant que votre héros, c'est lorsque le schématisme
lumineux de ce dernier permet de révéler toute la profonde complexité de
l'autre.
Bernard Dato
excellent ! encore une fois M.Dato nous éclaire les dessous de l'iceberg qui enflamment un récit!
RépondreSupprimerchapeau!
Achille.