mercredi 19 mars 2014

Mike Mignola parle littérature et influences pulp !


Anniversaire oblige, le Dieu incontesté de l'art séquentiel, je veux bien sûr parler de Mike Mignola, est actuellement en train prodiguer la bonne parole dans de multiples interviews faites à droite et à gauche - le bonhomme est un peu en mode "prenez, mangez, ceci est mon corps donné pour vous", quoi. Nous entamons donc ce marathon avec l'interview faite pour le site 13th Dimension et divisée en deux parties bien distinctes. Dans cette première moitié, il sera question des sources d'inspiration derrière l'univers de Hellboy. Comme d'habitude, mon niveau d'anglais n'étant pas des plus ouf, ne m'en veuillez pas trop pour les quelques phrases ayant une tournure un peu chelou. La diffusion de la totalité des interviews sera un peu longue, mes limites de rédacteur-traducteur oblige, mais vous finirez par toutes les avoir, juré craché (arrrrrr, puh !). Allez, enjoy :

Clay N. Ferno : Dites-nous en plus sur les influences littéraires qui se cachent derrière la série Hellboy.

Mike Mignola : C'est marrant, je faisais une interview l'autre jour et j'essayais de définir les racines de Hellboy - pas les racines puisées dans les comics mais ceux provenant des magazines et histoires pulp. J'écoutais pour la milliardième fois mon interviewer mentionner H.P. Lovecraft et j'ai répondu "ouais, les travaux de Lovecraft sont dans Hellboy, mais je pense que les origines de ma série vont plus loin; la structure du comic book Hellboy vient surtout de comic books pulp de Robert E. Howard et Manly Wade Wellman. Je pense notamment à ce s histoires montrant un personnage errer sans cesse et se heurter par moments à des trucs. Il en va de même pour le format d'histoires courtes qui, chez les grands éditeurs de comics, n'est pas souvent utiliser pour raconter des histoires. Après la première mini-série Hellboy, qui est assez longue, j'étais plus parti pour enchaîner avec des histoires courtes; non pas pour faire des histoires qui soient courtes, mais pour faire des histoires qui n'aient pas d'ordre chronologique précis. Je pense que c'est avec les histoires de Conan et de Solomon Kane que j'ai mûri Hellboy.



Ce qui, au fil du temps, est devenu une surprise pour moi, ou du moins quelque chose qui a longtemps été inconscient dans mon esprit, c'est lorsque j'ai réalisé qu'avec toute cette histoire de Bête de l'Apocalypse, Hellboy est progressivement devenu une figure tragique et maudite. J'ai alors réalisé  que j'avais passé la plus grande partie de ma vie d'étudiant à ne lire que du Michael Moorcock. Je crois que j'ai du lire tous les livres de Michael Moonrock qui sont passées entre mes mains. 

Et je n'étais pas conscient que j'essayais de mettre toute cette influence littéraire dans Hellboy. Tout ce truc de personnage maudit développé dans les histoires de Moorcock et Howard furent les plus grosses influences inconscientes de Hellboy.

Clay N. Ferno : Cela me donne un aperçu de la manière dont vous avez façonné l'univers de B.P.R.D. Certaines personnes, lorsqu'elles parlent de votre travail, parlent avant tout du format court de vos histoires. J'imagine que c'est pour vous une façon de permettre au lecteur de s'imaginer la légende entourant vos personnages. Vous dites donc que  l'idée que vous aviez en lançant la série Hellboy était d'écrire des histoires n'ayant pas forcément d'ordre chronologique ?

Mike Mignola : Je dis juste que c'est de cette façon que s'est déroulée la gestation de la série. C'est un moyen qui permet de développer un personnage alors que vous n'avez pas encore toute son histoire en tête…

Hellboy est apparu dans les années 40, je pouvais donc l'associer à différents trucs liés à la Seconde Guerre Mondiale. Mes comics préférés ont tous des liens avec la Seconde Guerre Mondiale, comme Captain America, le Crâne Rouge, ce genre de trucs. J'avais donc besoin que Hellboy ait un sabot dans ce type d'univers.



La première série Hellboy prenait place dans une époque contemporaine, les années 90, j'avais donc un gros trou de 50 ans dans lequel je pouvais y insérer divers histoires.

Lorsque j'ai commencé à y insérer des histoires, il n'y avait pas d'idée type "voici l'histoire de sa vie"; c'était juste des histoires que je voulais raconter. Je ne me souciais pas de les dater afin de créer une chronologie exhaustive du personnage. Ce n'est qu'après avoir fait des dizaines de ces histoires que j'ai commencé à écrirai The Hellboy Companion afin de donner au personnage une vie cohérente. 

Clay N. Ferno : Lovecraft était-il pour vous une source d'inspiration pour le design de vos monstres surnaturelles ou bien était-il plus une source d'inspiration pour l'écriture de vos histoires ?

Mignola : Ce que Lovecraft a fait, et ce qu'on fait d'autres gars ont fait avant lui - des gars comme William Hope Hodgson et d'autres scénaristes d'histoires pulp qui écrivaient des histoire à la Lovecraft -, ce sont des histoires d'horreur cosmique. L'inconnu de l'univers, en opposition à toutes ces histoires de vampires, de loups-garous et de fantômes... j'aime ce genre de trucs. En créant l'univers de Hellboy, je voulais qu'on sente cette gigantesque présence cosmique derrière. Lovecraft et les auteurs qui faisaient ce type d'histoires furent incontestablement une influence consciente de tout ce "truc" cosmique.

L'une des choses auxquelles j'ai toujours fait très attention était de ne pas faire du Lovecraft. Il y a une histoire que j'ai écrite et dans laquelle j'ai glissé une référence direct à Lovecraft, une histoire très courte intitulée The Whittier Legacy. C'est le genre de titre qui sonne très Lovecraft. Comme j'aime beaucoup ses histoires, j'ai voulu créer ma propre mythologie, mon propre truc cosmique qui soit inspiré par lui, mais ce n'est pas comme si je voulais faire référence à Cthulu et tout ce qui tourne autour.



Clay N. Ferno : Si nous pensons aux comics dotés d'enjeux cosmiques, nous pensons tout de suite à Kirby, un artiste avec lequel vous avez probablement grandi. Lorsque des lecteurs ou bien des dessinateurs se lancent dans le comic book, ils cherchent d'abord à remonter dans le temps afin de trouver les maîtres du séquentiel qui ont influencé l'industrie du comics d'aujourd'hui. Y-a-t-il des artistes de légende qui, selon vous, n'attirent pas suffisamment l'attention ?

Mignola : Je suis sûr qu'il y en a…mais c'est difficile pour moi de les nommer car j'ai mes propres influences ainsi qu'une tonne de livres et comics dans ma bibliothèque. Pour moi, un gars comme Wally Wood…je ne sais pas si il attire suffisamment l'attention. Probablement que les jeunes d'aujourd'hui ne le connaissent pas. Je possède quelque-uns de ses art books. Pour moi et les gars de mon entourage, Wally Wood est quelqu'un de vénéré. Jeff Jones et Frazetta le sont également.

Ce qui est flippant lorsque vous discutez avec des jeunes, c'est que vous vous rendez vite compte qu'ils sont à côté de la plaque. Lorsque j'étais gosse, et ceci s'applique aussi bien aux films qu'à d'autres trucs, il y avait peu de matière première à décortiquer. Il n'y avait pas internet à l'époque. Si vous aimiez les monstres ou bien les comics, vous deviez creuser pour dénicher des auteurs ou bien des films qui vous permettraient de vous faire votre propre culture.

Ma génération est un peu plus consciente de l'héritage et de l'histoire du comic book. D'abord parce que nous étions temporellement proche de ce qui a façonné l'histoire des comics. Marvel Comics venait tout juste d'être créé et le monde des comics était encore jeune. Les trucs avec lesquels je suis familier, je n'arrive pas à croire que les jeunes d'aujourd'hui n'y soient pas également familier.



Il y a quelques années, j'ai participé à la HeroesCon  - c'était un an après la mort de Frazetta -, et un dessinateur est venu me voir, un jeune mec. Il me posait des question sur la composition de mes planches et j'ai fait une référence à Frazetta, disant que la composition de mes planches venait en grande partie de lui. Et bien il ne savait pas qui était Frazetta. C'était assez glauque et en même temps très révélateur. C'est flippant de voir des gars comme ça qui ignorent que de tels géants du comics aient pu exister.

Pour en revenir à votre question, celle sur mes "héros du comic book", il y a bien sûr Kirby, un artiste qui attire beaucoup l'attention des jeunes d'aujourd'hui parce qu'il est devenu au fil du temps une figure historique. Lorsqu'il il quitta Marvel, je venais tout juste d'y être embauché. Et même lorsque j'ai commencé à dessiner pour cet éditeur, Kirby était encore un peu dans l'entreprise. Marvel continuait de réimprimer des séries à lui et je continuais à en acheter. Kirby restait la tête pensante de Marvel. Les séries que Kirby et Stan (Lee) ont réalisées à l'époque sont toujours d'actualité pour moi, mais pour les jeunes d'aujourd'hui, elles sont devenues obsolètes.

C'est la raison pour laquelle je tente de pas trop y penser - ça peut vite devenir déprimant ! J'ai déjà entendu des gars dire qu'ils avaient grandi en lisant mes œuvres, et tout ce que je leur répond, c'est "Whoa, vous n'avez vraiment rien trouvé de mieux que mes œuvres ?"

Et les gars qui me citent comme source d'inspiration en raison de mon trait et du fait que j'utilise beaucoup d'encrage…ce que je veux dire, c'est que, mec, regarde Bernie Wrightson, regarde Mike Kaluta. Jette un œil sur cette génération de types qui ont émergé de la vieille tradition de comics - c'est avec ces types que j'ai développé ce style. Des gars comme Frazetta. Mais les gens parlent de moi comme si j'avais inventé ce style.



Clay N. Ferno : Ma première incursion dans vos travaux fut avec vos couvertures de "Batman : A Death in the Family" ou encore celles de "X-Men Classic". En les regardant, je me disais "je veux dessiner comme ça." C'est différent et je n'avais aucune idée de qui dessinait comme ça avant vous.

Mignola : Lorsque je travaillais dans l'industrie mainstream du comics, presque à ses tous débuts, je ne regardais pas le travail ou bien le trait des autres dessinateurs. Je puisais mes sources auprès de dessinateurs appartenant à l'ancienne génération, pas seulement chez des dessinateurs de comics mais aussi chez des peintres ou bien chez des illustrateurs. J'ai juste apporté toutes ces influences dans le format comic book, et bien que je connaissais Art Adams, je n'essayais pas d'être Art Adams. Ce n'était pas ma façon de travailler; raison pour laquelle je ne regardais pas le travail de mes confrères. Je regardais simplement un autre genre d'artistes.

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