A l’occasion de la sortie en librairie du premier roman Hellboy, aux éditions Bragelonne, Dark Horse vous propose une interview aimablement fournie par Mike Mignola :
C’est la première fois, depuis Les Graines de la Destruction – sur lequel vous avez travaillé avec John Byrne – que vous laissez quelqu’un d’autre prendre la plume. Pourquoi ?
Je suis en totale admiration devant les gens qui écrivent des bouquins. Moi, j’arrive à mettre des paroles dans les bouches de mes personnages, mais je ne peux pas écrire tout un roman. Pourtant, Chris m’a contacté et il tenait absolument à que je fasse un roman Hellboy. Tous mes amis m’ont averti que j’allais détester ça, que j’allais devenir fou - parce que je suis tellement perfectionniste quand il s’agit de Hellboy. Mais en fait, ça s’est révélé être une plutôt bonne expérience pour moi.
Aviez-vous votre mot à dire quant à l’intrigue ?
Chris a commencé par me présenter une intrigue et cela me plaisait bien ; au fur et a mesure qu’il l’écrivait, je lisais de longs passages et, au tout début, j’ai corrigé quelques dialogues. Ecrire un roman demande une discipline très lointaine de celle requise pour un comics, j’ai donc dû apprendre à voir mes choses sous un angle complètement différent… Chris a fait de Hellboy un personnage qui réfléchit et qui parle de sa vie sexuelle. C’est tellement à l’opposé de la façon dont je concevais habituellement mon personnage.
Cela vous gêne-t-il qu’une autre personne que vous crée l’environnement de Hellboy ?
Non, et ça ne me dérange pas du tout que les gens lisent ce roman et l’acceptent comme faisant partie de l’univers Hellboy. Mais il touche à des sujets que moi je ne traiterai jamais – il a lieu pendant les années 1980, une époque que je n’aborde pas. Et il ne me serait jamais venu à l’esprit par exemple de donner une vie sexuelle à mon personnage. Le roman aborde beaucoup de choses dont Chris et moi nous avons discuté, mais que je ne mettais pas noir sur blanc parce que je ne veux pas passer beaucoup de temps à me poser la question sur comment Hellboy réagit à la société qui l’entoure, ni comment cette société réagit à Hellboy. Ce genre de réflexions ne me branche pas, mais Chris s’y intéresse. Cela dit, Chris n’a rien inventé sur Hellboy sans demander mon avis d’abord.
Les illustrations que vous avez faites pour L’Armée maudite sont en noir et blanc. Est-ce qu’elle seront dans le style gravure de Albrecht Dürer que vous adoptez parfois dans Hellboy ?
Non, les choses style Dürer que j’ai faites, c’était juste pour copier Albrecht Dürer l’espace que quelques cases, en les concevant comme des pièces de design. Les illustrations de L’Armée maudite sont plus proches du style que j’utilise normalement quand je dessine Hellboy, bien que je voulais que ces illustrations soient différentes des pages « splash » qu’on trouve dans les comics. Je les voulais comme éléments du décor plutôt que comme partie de la narration proprement dit.
Hellboy est « le plus grand enquêteur du paranormal dans le monde », mais il résout la plupart de ses cas en réduisant ses adversaires en miettes. Que sait-il exactement en matière de surnaturel ?
Justement, Chris et moi en avons discuté en écrivant L’Armée maudite. Hellboy n’est pas bête, mais il n’a jamais fait d’études. Il peut encaisser les coups, rentrer dans une situation sans savoir de quoi il retourne et être tabassé seize heures d’affilée, puis finir par résoudre le problème. Si c’était un mec ordinaire, il serait mort au bout d’une heure.
Allez-vous présenter d’autres personnages non humains comme Hellboy et Abraham Sapien qui travailleront également pour le B.P.R.D. ?
Eh bien, tout est possible. Au fond, j’aime dessiner des monstres. Je mets des êtres humains de temps en temps – il en faut bien quelques-uns – mais je préfère inventer des histoires autour de ces monstres. Des monstres en train de combattre d’autres monstres.
Cet univers, tout imprégné de mysticisme, vous fournit une quantité sans fin de matière pour vos récits.
Tout à fait, je ne serai jamais à court des idées. J’ai une bibliothèque de deux mètres de haut, pleine à craquer de livres bizarres. En dehors de mon studio, je dispose d’une autre bibliothèque qui va jusqu’au plafond, pleine de contes, de légendes, de mythes… Je suis sûr de toujours y trouver des idées pour mes histoires.
Voyez-vous une fin à la saga de Hellboy ?
Depuis deux ans, je n’arrête pas de dire que je serais content de continuer Hellboy jusqu’à la fin du temps. Mais je vais modifier ma déclaration maintenant et dire que j’aimerais continuer à traiter ce genre de thèmes en général. Car il y a d’autres projets et d’autres personnages que je voudrais faire. J’ai beaucoup de chance de pouvoir dessiner et écrire exactement ce que je veux.