Que nous dit cette image ?
Que nous dit-elle, surtout, qu'elle ne nous montre pas ?
Examinons au préalable, avant de voir ce qu'elle dégage et qu'elle évoque, ce qu'elle exhibe et qu'elle contient.
Un plan américain, cadré serré, d'un Hellboy et son trench-coat de détective, braquant, anxieux et déterminé, un ennemi hors cadre, de sa pétoire hors-norme.
Et c'est tout le talent de Francavilla de suggérer que cet ennemi-là, pourtant absent du dessin, est de nature satanique - même si l'on ignore tout de l'univers de Mignola. Et ce grâce à un seul détail: le crucifix que notre personnage tient aussi fermement dans sa main gauche que son célèbre revolver.
Nous donner à voir ou plus précisément à imaginer, ce qui n'est pas dans son cadre, n'est pourtant pas la plus grande force de ce dessin.
Remarquons que l'artiste a cette fois utilisé une trame.
Les trames sont ces surfaces de points - ou parfois de traits – régulièrement espacés, utilisées pour l'essentiel – et c'est le cas ici – en vue d'effets d'ombres plus ou moins nuancées.
Et cette trame confère au dessin de Francavilla comme un air d'après-guerre, comme un climat de film noir hollywoodien, une atmosphère de polar des années 50 - mâtinée d'un je-ne-sais-quoi d'irrationnel. De fait, c'est dans ces années-là que les éditeurs de bande dessinée avaient développé, avec l'arrivée de l'imprimerie offset, ces fameux points de trame.
Résumons-nous: un détective et son indéfectible imperméable, un décor noir et fantastique, les années 50... Comment ne pas penser alors à Angel Heart ? C'est en effet de la richesse inquiétante et magnifique du film d'Alan Parker que se charge, par l'usage de la trame, la modeste et pour autant puissante image de Francavilla. Angel Heart et son aura anxiogène et ténébreuse. Angel Heart, sorti en 1987 mais dont l'action se situe en 1955. Angel Heart (Aux Portes de l'Enfer pour le titre français) et son privé Harry Angel qui lors de son enquête va affronter Lucifer.
Le personnage incarné par Mickey Rourke et le Hellboy de Mignola fonctionnent, du reste, comme des héros-miroir.
Si Harry est un humain qui a pactisé avec sa part diabolique, le détective rouge et cornu est un garçon de l'enfer qui a pactisé avec sa part d'humanité...
Oui, peu importe après tout qu'il l'ait voulu ou pas, car souvenons nous que si la beauté, comme l'a écrit Oscar Wilde, est dans l'œil de celui qui regarde, la valeur, la profondeur, et la portée d'une image, sont dans l'œil de celui qui la voit et qui l'examine, qui s'y attarde et qui s'y abîme.
Bernard Dato
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire