L'élaboration
d'une couverture est un art à part entière. L'image existe par
elle-même (elle n'est pas l'élément d'une séquence comme dans une
planche) mais doit dans le même temps renvoyer à une narration. Elle
doit anticiper, contenir, suggérer – et sans la dévoiler – cette
narration séquentielle qu'elle présente. Un art à part entière.
Dave Johnson excelle dans cet art.
Première étape :
Cachez les quatre doigts blancs de la main. Le cinquième doigt, prolongeant dans le même aplat de noir la paume de la main, est une forme purement abstraite.
Cachez à présent toute la main et l'anneau qui l'enserre: ce sont les chaînes blanches et noires qui apparaissent alors comme des formes abstraites. La représentation de ce bras enchaîné tend donc vers l'abstraction picturale. Quand au dessin sur l'anneau, c'est une image iconique (à savoir, pour faire vite, une image simplifiée qui renvoie à une personne, un endroit, une chose ou une idée – ici, une image logo du B.P.R.D.).
Récapitulons: cette première étape contient de l'abstraction picturale et de l'iconique.
Seconde étape :
Dave
Johnson a ajouté à son dessin du bras un fond en deux plans
(personnages et décor), dont le style est plutôt simplifié. Le contraste
n'est pas assez poussé et, manifestement ne satisfait pas Johnson qui poursuit alors ses recherches.
Troisième étape :
Cette
fois, le décor, toujours en deux plans (séparés par deux aplats de
couleurs bien distincts), est bien plus réaliste (avec des détails
précis et poussés dans les contours). Ce décor-ci relève du figuratif.
Notez
au passage que l'image iconique sur l'anneau a encore été remplacée et
au logo du B.P.R.D. a succédé finalement et définitivement le symbole
iconique de la liberté (une main tenant une flamme).
Ici, les contrastes des divers éléments de l'image sont plus forts qu'auparavant. Contraste entre graphisme abstrait de la main avec graphisme figuratif du décor, contraste d'une main presque abstraite et enchaînée avec une main iconique évoquant la liberté.
Etape finale :
Un
décor, pour être suffisamment figuratif, doit se décomposer en trois
plans. Or, jusqu'ici, le décor était présenté en deux plans. En mêlant
les deux couleurs des deux plans du décor (rouge et violet) au sein du
personnage du zombie, Dave Johnson lui donne l'épaisseur qui lui
manquait et nous avons alors sous les yeux un décor en trois plans: le
personnage avec du relief, derrière lui les réverbères en aplat violet,
derrière eux des bâtiments industriels en aplat rouge.
Proposer dans une seule et même image - le tout harmonieusement - trois niveaux de lecture différents : iconique (avec la main de la liberté), d'abstraction picturale (avec la main enchaînée), et figuratif (avec le décor) est extrêmement rare et relève même de l'exploit graphique.
Et
que dit-il, au fait Dave Johnson, avec cette image équilibrée tout
autant que hétéroclite, cohérente tout autant que complexe, claire tout
autant que dense ? Il dit, Dave Johnson, que le monde réel (décor
figuratif) va nous être expliqué avec du sens (image iconique) et de
l'esthétique (formes abstraites), et que tout va tourner autour de
l'affrontement entre liberté et captivité.
Tout un programme.
Bernard Dato
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