Troisième numéro de la mini-série B.P.R.D. Hell On Earth : The Long Death, vingt-quatrième page, l'équipe du B.P.R.D. menée par l'agent Johann Kraus découvre, sur un lac gelé, le cadavre de ce qui semble être un homme baignant dans une marre de sang et de tripailles. L'agent ectoplasmique demande alors à l'un de ses hommes de lui donner son casque afin de le remplir d'eau et de le déverser sur la tête du cadavre dans le but de le nettoyer et de l'identifier. Ce cadavre s’avèrera alors être celui de Benjamin Daimio. Pour le lecteur, c'est le choc ! Et pour parvenir à un tel choc, il aura fallu au dessinateur pas moins de cinq cases. Cinq cases qui séparent la découverte du corps de l'ancien leader de Liz, Roger, Abe et Johann, de celle de son visage. Cinq cases ! Mais pourquoi une telle lenteur ? Pour un tel découpage ? Pour installer un suspens ? Pour préparer le lecteur au choc que lui causera la mort de l'ancien bad boy de la série B.P.R.D. ? Disons que la réponse est à la fois oui et à la fois non. Alors pourquoi un tel choix de la part des scénaristes et du dessinateur ? Tout simplement pour raconter au lecteur une histoire plus complexe, plus dense et plus riche que celle de la simple vengeance qu'il pense lire depuis le premier numéro de B.P.R.D. Hell On Earth : The Long Death. Explications :
Avant d'entrer dans le vif du sujet, arrêtons-nous tout d'abord sur la douzième et la treizième page du premier numéro de cette mini-série. Ces deux pages, purement anecdotique lorsqu'on les lit pour la première fois, voient l'agent Giarocco montrer des photos de son jeune enfant (qu’il est mignon le p’tit bébé) à Johann Kraus. L'agent ectoplasmique, qui semble montrer beaucoup d’intérêt pour la vie de mère de famille de sa collègue, demande à en voir plus et désigne une photo qu’il voit sur l’écran de son appareil photo numérique. Cette photo, qui s’avère en fait être un enregistrement vidéo du baptême du nourrisson, va soudainement mettre Kraus dans tous ses états. Notre agent va se mettre à disserter sur l’incohérence de cette cérémonie qui est pourtant, à la base, la plus symbolique de la religion catholique puisqu'elle est censée marquer l’entrée de l’enfant dans la famille chrétienne tout en le purifiant du péché. Seulement voilà, d’après notre agent germanique, le baptême, dans le cas présent, ne sert tout simplement à rien dans le sens où il n’y a pas plus pur sur Terre qu’un nouveau né. D'un point de vue purement académique, ça tient la route, mais qu'en est-il dans la vraie vie ?
C’en est trop pour l’agent Giarocco qui décide alors de couper court à la conversation tout en rétorquant à l'agent Kraus qu’il ne s’agit pas, dans le cas présent, d’un baptême mais d’un sacrement dont le rôle premier est, et ce n’est pas elle qui l’explique dans le comic book mais moi qui vous l’explique, de permettre à l’Homme de recevoir la grâce de Dieu, de s’en rapprocher et d’avancer dans la vie sous sa protection et son regard bienveillant. Johann tente alors maladroitement de se justifier et de s’excuser mais il est trop tard, l’agent Giarocco se braque, lui tourne le dos et tente de s’endormir, laissant ainsi l’agent Kraus seul face à son incompréhension du salut et de la rédemption et ce pour toute la durée du voyage en hélico qui le mènera jusqu’en Colombie-Britannique...le lieu qui le hante depuis le volume B.P.R.D. : Champ de Bataille...le lieu dans lequel se trouve l'objet de sa vengeance...Benjamin Daimio.
Revenons maintenant à la vingt-quatrième page du troisième numéro de The Long Death, au moment où Johann Kraus demande à un de ses équipiers de lui donner son casque afin de verser de l’eau sur le visage de Benjamin Daimio pour le nettoyer. Outre le but pratique du geste, cela ne sonne-t-il tout simplement pas comme une sorte de baptême, de rite de purification ? Si vous n’êtes toujours pas convaincu par cette interprétation, demandez-vous alors pourquoi le dessinateur est allé jusqu’à décomposer le geste de Johann, pourtant très simple, sur trois cases : une le voyant prendre le casque, l’autre montrant notre agent le remplir d’eau et la dernière le montrant verser son contenu sur le visage de son ex-supérieur. La réponse est donc bel et bien là, limpide comme de l’eau de roche (oh oh oh) et cachée dans le premier et le dernier numéro de cette mini-série. Nous sommes donc tous d'accord sur le fait que le but premier du geste de Johann Kraus est de laver, purger l’esprit et l’âme de Benjamain Daimio de ses péchés. Les deux cases qui suivent le dévoilement du visage de Daimio prennent alors une toute résonnance que celle du simple effet de surprise (oh mon dieu…il est mort !), et ressemblent alors étrangement à un recueillement, celui de frères d’armes venus rendre un dernier hommage à un de leur camarade tomber au combat. Sauf que dans le cas présent, notre compagnon est tombé au combat dans une jungle Bolivienne il y a maintenant de nombreuses années, qu’il n’a pu avoir, de par sa condition de mort-vivant, de funérailles militaires dignes de ce nom et que sa mort est longue, très longue à venir.
Lorsque Mike Mignola et John Arcudi nous ont promis, lors de la mise en chantier de B.P.R.D. Hell On Earth : The Long Death, que « des choses allaient être définitivement brisées », ils ont, et on vient de le voir, tenu leur promesse. Maintenant, la question est de savoir si ils ont également tenu leur promesse lorsqu'ils nous ont affirmé que Johann allait changer de manière définitive à la fin de ce numéro. Encore une fois, la réponse est oui !
Dans l’avant dernière case de ce comic book, lorsque Johann dit froidement à ses hommes « On peut rentrer à la maison maintenant », nous sommes, en tant que lecteurs, en droit de penser qu’il est et reste ce monstre égoïste qui a, dans le premier numéro de The Long Death, causé la mort de plusieurs soldats du B.P.R.D. et failli faire tuer l’agent Giarocco. Mais si nous regardons cette ultime case en prenant en considération tout ce qui a été écrit plus haut, nous comprenons alors que Johann, en nettoyant le visage de Daimio, lui a tout simplement pardonner, et ce de manière symbolique, tout le mal qu'il a pu faire, que ce soit à ses ex-équipiers, à lui, ou bien encore à son ancien corps perdu à la fin de B.P.R.D. : Champ de Bataille. On devine également que l’agent ectoplasmique, d’abord venu en Colombie-Britannique par pur esprit de vengeance, a finalement lui aussi trouvé la paix, la rédemption et le salut. La boucle est donc bouclée.
Panatrog
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