jeudi 23 février 2012

B.P.R.D. Hell On Earth : The Long Dream


"Il est bon de considérer le monde comme un rêve. Quand on fait un cauchemar et qu"on se réveille, on se dit que ce n'était qu'un rêve. On dit que le monde dans lequel nous vivons, n'est pas différent d'un rêve."

Jocho Yamamoto (1659-1719)

Et si tout cela n'était qu'un simple rêve ? Telle est la question que pourra se poser le lecteur attentif une fois arrivé à la dernière page de l'excellent premier numéro de la nouvelle mini série B.P.R.D. Hell On Earth : The Long Death. Explications.


Avant d'entrer dans le vif du sujet, il est intéressant mais surtout primordial de prendre en compte le fait que Johann Krauss a déjà connu l’état de béatitude dans lequel sa toute nouvelle combinaison (celle qu’il récupére à la fin de Hell On Earth : Russia) semble aujourd'hui le plonger. Rappelez-vous du corps de géant qu’il occupa dans le story arc Killing Ground (Champ de Bataille en VF) et qui le transforma en un être narcissique et égoïste ne pensant alors plus qu'à vivre une vie bercée par les sept péchés capitaux. Seulement voilà, passer son temps à s'empiffrer et à forniquer à droite et à gauche tout en mettant volontairement ses responsabilités de côté nuit gravement à la santé...la sienne mais aussi et surtout celle des autres. En voulant faire la nique à sa condition de fantôme errant, à sa propre vérité, le retour de Johann Krauss à la réalité s'est fait dans le sang et la souffrance. C'est ainsi que le B.P.R.D. perdit pas moins de la moitié de ses effectifs, tous tués par Benjamin Daimio, et qu'un terrible monstre jaguar s'évapora dans la nature.

Pour faire simple : notre agent éctoplasmique devient un gros connard narcissique et dangereux pour son entourage dès qu'il tente de redevenir humain et se met à goûter aux joies que la condition d’être humain procure.

L'Echelle de Jacob façon B.P.R.D. :



Le rêve que fait Johann Krauss au début du comic book ne serait-il pas une métaphore de sa propre condition ? En se réveillant, notre agent ectoplasmique se croit revenu dans le monde réel, notre monde, ce qui semble très vite le rassurer, mais sa perception de la réalité n'a-t-elle pas été altérée par tout ce temps passé à errer sur Terre tel un fantôme piégé entre deux mondes ? Comment peut-il être sûr que son réveil est bien un réveil ?

Et si le rêve de Johann Krauss, à ce moment là du comic book, n'était en fait, à la manière de ce que vit le personnage interprété par Tim Robbins dans l'Echelle de Jacob, que l'antichambre du cauchemar que sera pour lui la suite de The Long Death ?


Si nous restonq avec cette idée du spectre piégé entre deux mondes, qu'en est-il de l'interaction entre notre homme et les vivants ? Rassurez-vous, il n'est pas question pour Mike Mignola et John Arcudi de traiter le truc façon Sixième Sens en nous balançant à la fin des trois numéros que comptera ce story arc un cliffangher abracadabrantesque. Nos deux auteurs ont traité le tout avec un zeste de légèreté et un soupçon de mélancolie qui en donnerait presque la chair de poule. Pour la faire courte, disons que même si Johann est bel et bien présent dans le monde du B.P.R.D. (comprendre par là qu'on peut le voir et lui parler), il n'en reste pas moins que plus notre spectre redevient Homme, plus une certaine distance se crée entre lui et ses confrères. Un peu comme si le dialogue était coupé dû à une incompréhension mutuelle. J'en veux pour preuve l'excellent dialogue entre les agents Krauss et Giarrocco qui survient au moment où l'équipe détachée par le B.P.R.D. se rend sur les lieux de l'enquête en hélico et qui donne lieu à une magnifique case voyant Johann dans sa solitude perdu et détaché (il est assis àau moinstrente centimètres de Giarrocco) de ses hommes.

Il est également intéressant de noter que le titre The Long Death exprime l'état de mort permanent dans lequel sont Johann et Benjamin Daimio. Ces derniers, morts et revenus dans le monde des vivants depuis maintenant quelques années, ne peuvent ainsi plus être considérés comme des êtres vivants à proprement parler. On peut donc dire qu'ils errent dans notre monde dans un état de mort permanent, qu'ils sont quelque part en sursis. Sont-ils dans le réel ou bien dans un état de rêve qui serait alors pour eux une sorte de métaphore du purgatoire dans lequel ils sont piégés jusqu'à ce qu'ils puissent accéder à l'autre monde ?


L'idée que Johann Krauss soit bloqué dans son propre enfer est développé de manière subtile mais surtout très efficace lorsque ses sens de fantôme le trompent au moment où il pense sentir Benjamin Daimio. C'est à ce moment bien précis que tout le processus cité plus haut se met en place et que son cauchemar (sa punition ?) commence : Daimio attaque alors ses collègues du B.P.R.D. et cause un véritable massacre. On peut donc dire avec certitude que Johann Krauss cause la perte de ses équipiers exactement comme il l'avait fait dans le volume Killing Ground (Champ de Bataille).

Toujours dans cette séquence, lorsque l'agent ectoplasmique retrouve ce qu'il pense être son humanité perdue (rappelez-vous du monologue qu'il a tenu à Kate dans Russsia #5 sur le fait qu'il puisse de nouveau plier ses membres grâce aux jointures de sa nouvelle combinaison), il semble perdre ses facultés de fantôme. Il suffit, pour s'en convaincre, de voir sa réaction dès lors qu'il se retrouve seul dans la forêt (un décor rappelant beaucoup le film Dreamcatcher). Mais cette soudaine perte de pouvoirs psychiques n'est-elle tout simplement pas une façon subtile pour les auteurs (Mike Mignola et John Arcudi) de punir Johann d'avoir, une fois de plus, tenter d'aller à l'encontre de sa propre nature ?


Découpage de rêve façon Sam Raimi :


La narration, bien trop rapide au début du comic book, donne l'impression que les raisons et le contexte de l'enquête n'ont aucune importance tant cette dernière se retrouve très vite expédier par Panya et Johann. On se retrouve du coup très (trop ?) vite au coeur de l'enquête et de l'action. Un peu à la manière des vingt premières minutes du film Spider Man 3 qui semble, au premier coup d'oeil, totalement incohérent tant le scénario s'efforce de mettre en place sss propres enjeux et méchants de manière expeditive et non réfléchie. Comment ne pas s'indigner en assistant la naissance de l'Homme-Sable ou tout simplement en voyant le symbiote Venom tomber à trente centimètres à peine à côté de Peter Parker alors en pleine contemplation des étoiles avec sa dulcinée. Incohérent ? Ridicule ? Voyons, on parle tout de même d'un scénario écrit par le réalisateur des trois Evil Dead ! Pardon ? Vous dîtes ? Trop facile ? Mon bon môsieur, vous venez de donner la bonne réponse. Les vingts premières minutes du film sonten effet, d'un point de vue scénaristique, bien trop faciles...tout comme la vie de Peter Parker qui, à ce moment bien précis de son existence, excelle aussi bien dans sa carrière professionnelle que dans sa relation amoureuse ou bien dans sa vie de super-héros. Revenons maintenant à Johann et à sa vie depuis qu'il se ballade dans sa nouvelle combinaison. Ne commence-t-elle pas à devenir trop facile pour un mort qui tente de se duper lui même ?

La première partie de ce numéro de The Long Death peut donc être vu comme un rêve incohérent qui ferait volontairement l'impasse sur sa propre mise en place afin d'aller directement au message latent qu'il souhaite transmettre au rêveur (voyageur ?).


Il faut également noter la façon dont est découpée la scène de l'attaque : le montage (oui, parlons façon cinéma, ça fera plus classe en cette semaine placée sous le signe des César et des Oscar) se fait de manière ultra cut, privilégiant ainsi les cases montrant la créature (le monstre jaguar qu'est devenu Daimio) déchiquetant les corps des hommes du B.P.R.D. alors profondément endormis (tiens donc...encore la thématique du rêve...). La cohésion séquentielle se crée et se base alors uniquement sur la violence, le gore et la sauvagerie de l'attaque qui, à ce moment bien précis du récit, n'est rien de moins qu'une punition pour Johann. Une punition infligée par son contraire ou devrais-je plutôt dire son lui, Benjamin Daimio le non mort. L'agent éctoplasmique du B.P.R.D. est donc puni pour avoir tenté de retrouver  son humanité perdue. En refusant sa condition de mort, il est devenu le principal responsable de la perte de son entourage, ces êtres vivants qui peuvent souffrir pour lui.

B.P.R.D. Hell On Earth : The Long Death nous prouve une fois de plus le génie des deux scénaristes que sont Mike Mignola et John Arcudi qui, avec ce titre de bédé à rallonge, nous rappellent que les agents Johann Krauss et Benjamin Daimio vivent, et ce depuis leur apparition dans le Hellboyverse, une longue agonie qui, bien que silencieuse au départ, semble se conclure dans un cri assourdissant, pleine de haine, de fureur et de violence.

Panatrog

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