jeudi 17 avril 2014

Interview : Scott Allie parle de "Abe Sapien #12" !


Un petit mois avant la sortie du prochain numéro de Abe Sapien, le site Bleeding Cool s'est entretenu avec le scénariste de l'ongoing, le bien nommé Scott Allie, afin de faire un petit point sur ce qui s'annonce comme le chapitre le plus sombre des aventures de l'amphibien. Un vrai bon moment de lecture, quoi ! Bon, comme d'habitude, j'ai tenté de faire de mon mieux avec la traduction. Ne soyez donc pas trop choqué lorsque vous tomberez sur des passages quelque peu…douteux. Allez, enjoy quand même :

Hannah Means-Shannon : Comment décririez-vous les principales caractéristiques de Abe Sapien et comment cette série lui étant dédiée aidera-t-elle les lecteurs à mieux comprendre sa personnalité ?

Scott Allie : La plupart de mes histoires de B.P.R.D. préférées sont celles où Abe se lance dans une aventure en solo, comme Plague of Frogs ou encore Garden of Souls. La plus grande différence entre Abe et Hellboy est que Abe est naturellement plus curieux concernant ses origines et ce qu'elles sont censées signifier. Abe est d'un naturel sensible et curieux, un peu comme dans les films, mais n'est pas un médium. J'ai lu des reviews dans lesquelles des rédacteurs confondaient le Abe des films et celui des comics. Le Abe des comics n'est pas médium.

Ce qu'il y a de marrant dans l'ongoing Abe Sapien, c'est que Abe dit être à la recherche de réponses, et sans vouloir spoiler qui que ce soit, Abe est en réalité dans le déni et fuit la vérité. Les gens pensent qu'il est responsable du gros bordel qui touche le monde et Abe ne veut pas spécialement creuser cette possibilité. Hellboy a toujours été du genre à éviter tout ce qui concerne ses origines et ce qu'il est supposé être. Et maintenant que le monde touche à sa fin, ces mêmes personnes clament que Abe est coupable de ce qui arrive…ce qui le rend plus terrifiant.

HMS : En tant que lecteur, je dirais que l'un des plus grands traits de caractère de Abe est la compassion. Il semble être plus compatissant que les autres personnages du Hellboyverse. Est-ce quelque chose que vous avez voulu mettre en avant avec ce prochain numéro ?

SA : Je ne sais pas si certains personnages de Mike manquent de compassion, mais dans le cas de Abe, c'est un trait de caractère qui le poussera à tenter de prouver qu'il possède une humanité.

HMS : La narration de cette nouvelle histoire semble tourner autour de plusieurs motifs mythologiques. Comment cela aidera les lecteurs à prendre conscience des événements apocalyptiques qui touchent actuellement le Hellboy universe ?

SA : Nous ne sommes pas encore dans l'apocalypse à proprement parler - nous en touchons le bord pour le moment. L'apocalypse semble avoir commencé, mais le B.P.R.D. tente de le stopper. L'idée est qu'en vivant en ces temps très sombres, les gens sont amenés à la recherche de réponses existentielles, et comme Abe, ils cherchent un sens à leur vie. Et le résultat de cette grande crise existentielle, c'est que nous avons des cultes et des prophètes qui apparaissent un peu partout dans le monde. Ce douzième numéro de Abe Sapien sera relié dans un volume intitulé Sacred Places. Le ton biblique du titre est délibéré.

HMS : Plusieurs motifs religieux se trouvent dans ce numéro. Pourquoi était-ce si important pour vous de faire des références à l'Eden ou bien encore à Noé dans cette histoire ?

SA : La référence à Noé est apparu en cours de route, lorsque j'ai eu en tête cette image de l'antagoniste perché en haut de sa maison. C'est à ce moment que j'ai réalisé l'importance de l'eau pour Abe. Pour l'Eden, c'est un thème récurrent dans les séries issues du Hellboyverse. Il doit déjà exister trois histoires dont le titre comporte les mots Le Jardin. Et si il y en a eu autant, c'est parce qu'un tas de gens sont à la recherche d'un endroit dans lequel ils pourront se retirer et ainsi éviter la tempête qui frappe actuellement le monde. Il y a eu un jardin lorsque le Monde est devenu Monde…y en aura-t-il un autre aujourd'hui ?

Première planche du one-shot.

HMS : Cette histoire est très psychologique et très émotive. Tout est fait pour que le lecteur ne puisse pas garder ses distances avec les personnages. Quelles furent vos intentions en écrivant une histoire aussi psychologique en termes de traumas ?

SA : J'ai juste eu l'idée de raconter cette histoire de telle façon - c'est comme ça que tout a commencé. J'ai eu le sentiment de n'avoir jamais lu de comics dont la narration avait été tournée de cette manière. Je ne dis pas que personne n'a jamais fait ça mais que je ne l'ai jamais vu. Tout est venu de l'idée d'avoir plusieurs voix qui rythmeraient la narration, et plus j'y pensais, plus j'en venais à la conclusion que je devais entrer profondément dans l'esprit de deux personnages - plus précisément, deux personnages que les lecteurs n'ont pas encore rencontré. J'ai un jour bossé en tant qu'éditeur sur un magazine de nouvelles intitulé Glimmer Train Stories, et j'aimais l'idée de faire quelque chose sur lequel je pourrais expérimenter quelque chose de différent.

La façon dont nous avons raconté cette histoire fait que les seules informations que vous aurez sur les personnages viendront de la narration. En travaillant la narration de cette façon, vous aurez un vrai aperçu de l'état d'esprit de ces deux personnages, et je pense que le résultat est fascinant. Les lecteurs de l'ongoing connaissent bien Abe. Mike et John (Arcudi) ont énormément travaillé le personnage au fil des années. Je voulais donc que les lecteurs fassent la connaissance de ces deux autres personnages - ou du moins l'un d'entre eux -  à travers une course émotionnelle qui foncerait droit dans un mur.

HMS : Pouvez-vous nous parler de vos attentes concernant la partie graphique ce de futur numéro ? J'ai cru remarquer que les personnages de cette histoire possèdent une aura quasi religieuse - je pense notamment à leurs expressions faciale - tout en étant très terre-à-terre et que les décors et autres éléments de décors sont mis en avant.

SA : Comme d'habitude, Max (Fiumara) est allé au-delà des mes espoirs les plus fous. Lui et Sebastian (Fiumara) me surprennent sans cesse. Avec cette histoire, je voulais m'assurer que le dessin ne serait pas là que pour illustrer le scénario, mais qu'il se superposerait à la narration, comme une sorte de contrepoint. Je pense que si vous ne lisez que le scénario d'un comic book, vous n'aurez alors que la moitié de l'histoire. Je voulais donc travailler avec Max afin de trouver une façon qui permettrait de délivrer des tonnes d'informations en seulement quelques cases par page. En écrivant l'histoire de ce numéro, j'ai eu l'idée de ne mettre que trois cases par page. J'en ai alors parlé à Max qui a tout de suite adoré l'idée. Avec un tel parti pris, il était important d'avoir un maximum d'informations dans chacune des cases du numéro. 

Comme vous venez de le dire, Max a énormément travaillé sur le langage corporel des personnages en leur donnant beaucoup de nuances. C'est comme voir une oeuvre de Rodin. Avant de boucler le numéro, Mignola a demandé à voir ses trois dernières pages, qui contiennent le plus beau langage corporel que j'ai pu voir dans un comic book. C'était également l'idée de Max de donner trois styles graphiques différents à cette histoire, et ce afin de mieux représenter les différents personnages. Dave (Stewart) a ensuite boosté le tout en apportant plusieurs styles colorimétriques à l'ensemble du numéro.

Au départ, je voulais être capable de raconter un maximum de choses en seulement 66 cases, et ceci est devenu possible grâce aux talents combinés des artistes qui se cachent derrière cette histoire. Je pense sincèrement que ce numéro aurait été assez terne sans l'aide de tous ces gars.

HMS : Cette histoire fait-elle écho à des histoires passées ou bien à venir ?

SA : Comme vous l'avez dit, Abe a beaucoup d'empathie. Il a été maltraité et à beaucoup changé durant ce début de fin du monde mais les deux personnages qu'il rencontre dans ce futur numéro ont beaucoup plus morflé que lui. La façon dont il réagit au contact de ces deux personnages en dira long sur qui il est et comment il se positionne à ce nouveau monde. Mais plus que ça, cette rencontre l'amènera à se poser des questions sur lui qui le poursuivront jusque dans les dix prochains numéros…voir même plus.

HMS : Jusqu'à maintenant, Hellboy fut le seul personnage du Hellboyverse a avoir bénéficié d'un traitement aussi intense, lorgnant même vers des thèmes quasi-religieux. Est-ce aujourd'hui le tour de Abe de bénéficier d'un tel traitement ?

SA : Je ne sais pas. Je pense que Mike a déjà traité le personnage de cette façon avec les séries The Drowning et Plague of Frogs. Il a effectivement développé Hellboy de cette façon, mais tous les personnages de Mignola ont eu droit à ce type de traitement. Je pense que lorsque vous donnez à un personnage un côté très solitaire, il est inévitable qu'il développe de lui-même quelque chose d'effrayant et de quasi-religieux. Le monde du Hellboyverse est construit de cette façon, et comme Mike a déjà pu le dire, après ce développement du personnage de Abe, il est fort probable qu'il reparte se bastonner contre des monstres.

HMS : Avez-vous eu des scrupules en injectant dans cette histoire des thèmes aussi lourds que l'abus sexuel ou bien la captivité ? Les lecteurs ne doivent pas s'attendre à lire quelque chose d'aussi sombre, et avec le débat plus que brûlant de la violence contre les femmes dans les comics, on peut dire que vous vous êtes aventuré sur un vrai champ de mine. Vous sentiez-vous concerné par ce sujet ?

SA : J'ai eu cette idée il y a quelques années, mais lorsque l'événement de Cleveland eu lieu, j'ai décidé de ne pas faire cette histoire. J'ai eu peur que cela paraisse opportuniste de sortir une histoire qui fasse écho à cette sombre affaire. La façon dont j'avais initialement imaginé l'homme de cette histoire ressemblait beaucoup à Ariel Castro. Je voulais que l'homme ne puisse pas être identifié comme appartenant à telle ou telle race. Je l'avais donc d'abord imaginé avec des cheveux noirs et bouclés comme moi mais sans lui avoir donné de couleur de peau. Il aurait très bien pu être blanc, noir ou bien hispanique. Ariel Castro fut ensuite arrêté et Max imagina ce nouveau visuel pour le personnage.

J'avais cette histoire en tête depuis très longtemps mais j'ai mis beaucoup de temps avant de commencer à la coucher sur papier. La nuit où j'ai commencé à vraiment travailler dessus, j'ai décidé de faire un break afin de m'aérer la tête. Je suis donc allé sur le net afin de faire un tour sur Twitter et c'est là que j'ai appris que Castro avait été tué. Tout ça en une nuit. Les coïncidences arrivent souvent et elles peuvent parfois vous secouer. Cette nuit fut vraiment bizarre pour moi.

En écrivant cette histoire, j'ai réalisé que si le personnage se percevait, lui ainsi que la femme, comme une sorte de nouveaux Adam et Eve, et que si il comportait aujourd'hui comme un enfant à cause des mauvais traitements subit par son père, peut-être n'a t-il pas sexuellement abusé d'elle. Il a certainement battu la femme, mais cela semble plus cohérent avec le Mignolaverse qu'il ne l'ait pas violé. Il veut la protéger…mais il est aussi un peu taré. Je pense que certaines personnes qui lieront cette histoire penseront que j'ai voulu diffamer le personnage masculin, mais je pense que nous avons surtout raconté une bonne histoire qui n'est en réalité que la première partie d'un tout qui se construira au fil des prochains numéros.

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