Le sourire est charmant, la voix de baryton harmonieuse, mais ça ne suffit pas à
gommer l'aspect inquiétant de ce visage tellement cabossé, planté sur une
carrure d'armoire à glace. Ron Perlman a dû attendre trente ans pour se voir
offrir le rôle d'un type ordinaire dans un film à Hollywood. Ordinaire, façon de
parler! Car Nino, qu'il incarne dans le thriller de Nicolas Winding Refn « Drive
», est un gangster psychopathe qui réduit ses ennemis en bouillie.
« Jeune, j'étais pas le genre de
gars avec qui les filles acceptaient un rendez-vous », raconte l'acteur
américain de 61 ans. « Cela m'a enfermé dans une certaine solitude et m'a
conduit à travailler d'autres aspects de ma personnalité pour m'accepter. Les
réalisateurs ont su exploiter ça plus tard. »
En une cinquantaine de films et
de séries télé, ce fils d'un batteur de jazz new-yorkais, passé par le théâtre
classique à Broadway, a joué tous les personnages monstrueux et marginaux
imaginables. Ce qui lui vaut d'être l'invité d'honneur ce week-end du 19e
Festival du film fantastique de Gérardmer (Vosges), où un hommage lui a été
rendu hier soir par les deux réalisateurs français qui l'ont véritablement
lancé, Jean-Jacques Annaud et Jean-Pierre Jeunet. Ron Perlman jouait
l'inoubliable chef de la tribu des hommes préhistoriques dans « la Guerre du feu
», le patibulaire bossu Salvatore dans « le Nom de la Rose », une créature
anxiogène dans « la Cité des enfants perdus », un mutant dans « Alien, la
résurrection ». « En dévoilant l'émotion intérieure qui se cachait derrière ce
physique dérangeant, Jean-Jacques et Jean-Pierre ont changé la façon dont
j'étais perçu dans le monde entier. Avec ces rôles, ils m'ont donné l'impulsion
pour me lancer dans la course. Ensuite, les portes se sont ouvertes. Je leur
serai toujours reconnaissant. »
De perpétuelles
métamorphoses
Longtemps vénéré par les fans de films d'horreur
ou d'anticipation, Ron Perlman a acquis une dimension encore plus populaire en
devenant, en 2004, le plus âgé des superhéros américains dans « Hellboy », le
film de son ami Guillermo del Toro. « Un personnage extraordinaire, même si le
tournage fut crevant pour un type de mon âge. Le plus dur avec ce genre de rôle,
c'est de passer quatre à six heures par jour au maquillage. »
Les
perpétuelles métamorphoses n'ont pas dégoûté le comédien. « Jouer, c'est ma
passion. L'enfer serait de faire un job que je hais. » Lorsqu'il a eu vent du
tournage de « Drive » à Los Angeles, l'homme a appelé lui-même le metteur en
scène pour le convaincre de le retenir. « Il n'avait pas pensé à moi. Au sortir
du rendez-vous, j'avais le rôle », sourit-il. Il a signé pour sept saisons de la
série « Sons of Anarchy », diffusée sur M 6, où il incarne le chef d'un gang de
Hells Angels. « J'y consacre cinq mois par an, ça me laisse du temps pour
tourner des films ou m'adonner aux autres choses que j'aime. » Marié, père de
deux enfants, fou de musique, amateur de golf, supporteur de l'équipe de
base-ball new-yorkaise des Yankees, il n'aime rien tant que circuler en voiture
en fumant un cigare cubain et en écoutant Tom Waits, Frank Sinatra ou Aretha
Franklin. Lui arrive-t-il de rêver à des rôles banalement ordinaires? « J'ai
plus besoin de rêver. J'ai été gâté au-delà de mes espérances. Je suis un homme
heureux. »
Source : Le Parisien
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