Hellboy est-il un super-héros ?
La
question, si elle nous est posée, provoquera peut-être une courte
hésitation mais c'est oui, oui que nous répondrons. Oui, Hellboy est un
super-héros.
Mais
il n'a pourtant pas de double identité diront certains esprits
chipoteurs, une double identité indispensable au genre, insisteront les
pinailleurs, car, si les super-pouvoirs ne sont pas absolument
nécessaires (Batman en est dénué), si le masque n'est pas radicalement
obligatoire (Superman n'en porte pas), la double identité, elle, se pose
comme une condition fondamentale et incontournable du super-héros.
Soit. Allons voir de plus près. Allons voir jusqu'à son nom. Hellboy.
Dans son nom même se trouve contractée cette fameuse double identité exigée. Hellboy signifie «Garçon des Enfers ». Il est donc humain et démonà
la fois. Quant à son design, les cornes renvoient à ses origines
infernales. Mais elles sont brisées ces cornes, acte volontaire du
personnage, acte qui renvoie, lui, à son humanité.
Double identité condensée mais double identité avérée !
Regardons de plus près encore.
Hellboy
est rouge et cornu. Ces particularités ne vous rappellent-elles pas
celles d'un avocat aveugle et acrobate casse-cou, aux sens
hyper-développés?
(Qui a dit Daredevil ?)
(Qui a dit Daredevil ?)
Sa
main droite est de pierre et ne possède que quatre doigts. Cette
spécificité ne vous rappelle-t-elle pas le membre le plus truculent des
Fantastic Four?
(Qui a dit The Thing ?)
(Qui a dit The Thing ?)
Et
cet énorme pétoire qui pend à sa ceinture et avec laquelle il décime
des légions de morts-vivants et autres goules, ne vous rappelle-t-elle
pas le gros flingue d'un certain Frank Castle avec lequel il extermine
autant de dealers et autres mafieux ?
(Qui a dit The Punisher ?)
(Qui a dit The Punisher ?)
Ainsi, Hellboy apparaît comme une sorte de condensé de super-héros à la Marvel ou DC comics.
Et
du reste, il est bien assimilé comme tel par auteurs et lecteurs
puisqu'il accompagne, dans un excellent cross-over signé Robinson et
Mignola, deux autres super-héros estampillés: Batman et Starman.
C'est entendu, Hellboy est donc un super-héros.
C'est
entendu et pourtant, nous sentons bien confusément que Hellboy n'est
pas un super-héros comme les autres, nous percevons vaguement comme une
différence, comme une discordance qui le distingue irréductiblement de
ses collègues costumés.
Mais
c'est tout simplement parce que Mike Mignola a opéré pour la plus
célèbre de ses créations ce que les philosophes appellent un
« collage ».
Le
collage est le rapprochement inattendu d'images, idées ou concepts
différents voire anachroniques. Rapprochement inattendu et qui provoque
en général la pensée (Georges Didi-Huberman nomme le procédé
« connaissance par les montages »). Ainsi, confrontez l'image iconique
de Marilyn Monroe et la pensée philosophique de Platon et vous
obtiendrez une théorie originale et pertinente du cinéma.
Ici,
Mignola a confronté un motif archétypal de super-héros (Hellboy) à un
univers diégétique lovecraftien où paranormal et légendes anciennes
s'entremêlent (là où le super-héros classique évolue traditionnellement
dans un milieu urbain réaliste et contemporain).
Un collage génial et inédit dans les comics. Un collage qui nous interpelle. Qui nous intrigue... Et qui nous fait penser.
Bernard Dato
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